Aujourd’hui, pour cette première interview sur Merci Vélo, je vous propose de rencontrer Norbert, ancien mécano/vendeur cycle et administrateur de la page Facebook de la déchetterie du cyclisme. On papote longue distance, performance, industrie du cycle mais surtout : plaisir de rouler. Car pour lui, le vélo doit avant tout rimer avec plaisir et découverte. Et on n’aurait pas dit mieux. Merci Norbert pour ton temps !
Comme le monde est vaste et qu’on a pas tous l’occasion de faire un bout de route ensemble, peux-tu te présenter à celles et ceux qui ne te connaissent pas ?
Euh alors, homme 31 ans. Je viens de quitter le monde du cycle dans lequel je travaillais depuis environ 5 ans (mécano/vente). Et aussi, administrateur de la page Facebook la déchetterie du cyclisme, qui me fait beaucoup rire.
C’est donc toi qui orchestre cette page !
Moi je suis l’administrateur, tu sais le mec chiant qui accepte ou refuse les posts. Après c’est les gens eux mêmes qui postent les pépites. Beaucoup de personne qui ont des perles dans les ateliers, c’est un sacré monde.
Au passage pour parler mécanique, c’est quoi le truc qui t’énerve le plus côté mécanique/entretien vélo ?
Je pense que le slip sous le cuissard c’est une folie 😉
On est d’accord ! Revenons à toi ! Tu faisais à l’origine du triathlon (notamment longue distance), non ?
Tout à fait. J’ai fait du triathlon pendant quelques temps, sur toutes les distances, mais principalement du longue distance les deux dernières années.
Comment en es-tu venu à faire principalement du vélo, ta troisième activité principale du moment avec le surf et le golf ?
Par manque de temps et par envie de partage. Le triathlon c’est sympa, mais à la piscine tu ne partages rien. En course à pied, hormis quelques séances longues à basse intensité, là non plus. Je me suis orienté vers le sport le plus accessible, et qui me permettait de découvrir du paysage, et surtout à l’époque de sortir des paysages parisiens.
C’était quoi ta toute première “vraie” bécane ? Pas le modèle avec les petites roues même s’il a tout de même compté !
Un Look carbone à emmanchement alu, avec les vitesses au cadre parce que j’avais pas les moyens d’avoir les vitesses au guidon.
C’est une discipline particulière et une philosophie le vélo, non ? Qu’est-ce qui te plaît dans la vélo ?
Le vélo a vraiment pour moi été un moyen de passer du temps avec mes amis. Partager des routes et des aventures, ce qui est pour moi actuellement le plus important. Puis au fur et à mesure, ça m’a permis de découvrir des régions. Malgré, mon manque d’entraînement, demain on me propose d’aller faire des cols mythiques, je fonce 😀

Si tu devais résumer le vélo mais plus particulièrement ta pratique en un mot, tu nous dirais….
Aventure ou découverte.
Et qu’est-ce que ça peut t’apporter dans ton quotidien et d’un point de vue mental ?
Le vélo, et notamment le vélotaff, m’ont permis d’avoir une soupape dans ma vie. D’avoir le temps de réfléchir surtout, mais aussi sortir de la bulle liée à mon travail. C’est un sas de décompression, sauf quand des putains de mec me rasent avec leur voiture.
Tiens parlons-en des automobilistes… Ça t’arrive régulièrement (je précise pour ceux du fond : t’étais sur Paris avant et maintenant t’es basé en Bretagne) d’avoir des problèmes avec les bagnoles ? T’as vu une différence entre Paris et d’autres régions ?
Alors j’habite en Loire Atlantique, qui n’est pas en Bretagne (ça c’est pour les débats régionalistes inutiles). J’ai eu plusieurs soucis avec des voitures, j’ai eu 3 accidents sur le temps où j’ai vécu à Paris. Après des soucis de non respect des cyclistes, j’en ai eu plein, et dans à peu près dans toutes les régions. Après, je me suis embrouillé plein de fois, parce que les cyclistes volent la route des automobilistes…
Depuis que je suis arrivé ici, je roule moins, mais ça arrive toujours, ce qui est le plus dramatique selon moi.
Et tu pratiques quoi comme disciplines ? Route, gravel, pédalo, vélotaf ?
Route, vélotaf, et un premier voyage en Omnium.
Une discipline “keur keur” ? Si oui, pourquoi ?
Monter de cols.

Aaaaah et du coup c’est quoi ton col préféré ? Et celui que tu veux faire prochainement ?
J’ai toujours adoré Lizarrieta, un mini col du pays basque mais où il n‘y a jamais de voiture, et c’est super confortable ! Je reprends mes études, donc je vais pas trop voyager pour le vélo tout de suite je pense. En revanche, j’aimerais faire les cols mythiques français.
Parlons matos un peu. Tu roules sur quoi ? Peux-tu nous parler de tes vélos ? Et de pourquoi/comment t’as choisi ton équipement (marques, groupe, roue, éléments, pneu, boyaux etc.) ?
J’ai actuellement deux vélos :
- Un Giant Defy Advanced Pro 0 que j’avais commandé quand j’étais au Pays Basque. C’est un vélo typé endurance, avec une géo plutôt confortable. Je l’ai choisi parce qu’il est sexy avec l’effet au niveau de la typo. Après, vu ma pratique actuelle, je voulais un vélo confortable plus que sportif. Je fais principalement des sorties assis sur ma selle sans grande relance. Je l’ai attendu 10 mois, mais j’en suis content. Je l’ai pas amené en montagne.
- Il est monté en Shimano Ultegra DI2, simplement parce que je me suis fait plaisir. J’ai ni le niveau ni l’exigence de voir la différence entre un groupe 105 et un Dura-Ace (hormis la branlette) mais je voulais un beau vélo monté en électrique. Ce vélo est livré avec des roues carbones tubeless auquel j’ai fait montées par mon ancien collègue (Yann Vélo 64, Bidart) une paire de roues light pour la montagne. J’ai monté des Mavic Open Pro sur moyeux Hope toujours en tubeless. C’est les premières paires de roue que j’ai en tubeless et franchement, j’en suis super content. On retrouve le confort du boyaux avec normalement moins de galère.
- Un Omnium Mini Max que j’ai monté pour me passer de la voiture au maximum. Je trouve la voiture complètement anxiogène. Du coup, c’est un cadre qui peut me permettre de transporter mes courses ou tout autre chose (j’ai même déménagé avec à Paris) et c’est vraiment top. Monté en monoplateau, frein à disque. Minimum d’entretien avec des pièces fiables et robustes.

Question difficile : quel est l’élément le plus important dans un vélo pour toi ? Ce choix se veut personnel et n’a pas besoin d’être de l’avis de tous. Les roues ? Le groupe ? Les matériaux du cadre ?
Il faut que le vélo soit en corrélation avec la pratique de la personne. C’est ça le plus important pour moi. Savoir situer son besoin et le vélo qui y répond. Après, le reste n’est que financier et esthétique. Un bon cadre et des bonnes roues font un bon vélo. Mais un vélo pur course pour un mec qui n’en a pas besoin devient presque contre-productif…
Comme beaucoup, tu es sur Strava et tu possèdes un compteur GPS et/ou différents capteurs. Dans quelle mesure intègres-tu toutes les données métriques dans ta pratique du vélo et du sport en général ? Quelle importance y accordes-tu ?
Aujourd’hui, n’ayant pas d’objectif sportif, les données ne me servent pas à grand chose. J’essaie juste de suivre mon kilométrage annuel, pour voir ou j’en suis. Aujourd’hui, même si je sors avec ma ceinture cardio et que j’ai un capteur de puissance, je ne regarde pas vraiment les données.
Après, dans la pratique du sport dans l’optique d’une performance (comme mes années triathlon longue distance), tout est différent. Les données telles que la puissance ou le rythme cardiaque deviennent des outils pour la progression et la construction des entraînements.

Tu penses que le développement de Strava et des réseaux sociaux a bouleversé notre rapport à la performance et à notre estime de soi… en nous invitant à nous challenger perpétuellement et à nous comparer aux autres ?
Le vélo a toujours été un gros concours de zizi. On va pas se mentir, et l’expérience en magasin m’a confirmé ça. Qui a le plus gros ratio, qui a le KOM, qui descend mieux, qui a le vélo le plus léger, qui a le plus cher…
Après c’est juste devenu encore plus facile de se comparer via les réseaux. C’est aussi ce qui m’a fait quitter le monde du vélo comme activité professionnelle. Je ne me retrouverais plus dans tous ses concours.
Une bonne chose ou pas ?
Franchement tout ça, c’est de la merde, ça apporte rien. Il faut savoir savourer le moment donné, le reste n’est que futilité.

Toi qui as participé à plusieurs compétitions sportives dont un Iron-Man. C’est quoi ton rapport avec la performance et la compétition ?
C’est comme Gollum avec l’anneau. Je l’aime autant que je la hais.
J’ai été éduqué dans la culture de la compétition, dès tout petit. J’adore la compétition pour me dépenser et surtout me dépasser, voir les limites du corps.
Mais je déteste la compétition et son côté ingrat, l’exigence de la compétition en quelques sortes. Du moins, je n’ai plus l’envie de me l’infliger autant que jeune. Du coup, tu avances moins vite, et c’est plus dur à encaisser aussi.
Et le longue distance demande beaucoup de sacrifices, beaucoup trop pour moi actuellement.
T’as bossé dans l’industrie du sport et du vélo. Tu peux nous en dire plus ou c’est confidentiel ? Quel est ton point de vue sur l’industrie du cycle et ses coulisses ? C’est reluisant ou pas ?
Honnêtement, je pourrais en parler pendant quelques heures, avec pleins d’anecdotes. En soit, l’industrie du cycle, la relation marque (ou fournisseur) et point de vente, je pense que c’est comme tout business, c’est rempli d’hypocrisie. Par dessus ça, tu ajoutes des anciens pro qu’on fait devenir commerciaux, mais qui sont pas bons et tu as le tableau…
Après la relation, client et magasin est vraiment très spéciale, c’est ce qui m’a dégouté le plus. Il faut se dire que ça reste du vélo, c’est un loisir.
Qu’est-ce qui t’a dégoûté (dans) la relation avec le client en magasin ?
C’est l’attitude des clients. Je suis une personne pro service, et j’aime aider les clients. Mais c’est aujourd’hui trop compliqué de faire comprendre que tout n’est pas gratuit, que des bons mécaniciens, ça se paye, et que non, les personnes travaillant dans le vélo ne roulent pas sur l’or. Tu mélanges un modèle internet avec un sport vieillissant pratiqué par des gens qui peuvent avoir des mentalités anciennes, et ça fait un mélange qui n’est pas forcément à mon goût.
Comment t’en es venu à bosser dans le sport et le vélo ? T’as une formation spéciale ? Car tu ne viens pas du vélo à la base ?
J’ai une formation de dessinateur projeteur. J’ai eu une mauvaise expérience qui s’est mal finie dans le domaine à Paris. J’ai fait un break, un ami avait des magasins sur Paris, il m’a demandé si ça me tentait d’être vendeur, j’ai dit que j’essayais.
Après j’ai toujours été fan de vélo, assez touche-à-tout.

A qui ou à quoi tu aimerais dire merci ?
Merci à toutes celles et ceux qui se battent pour que le cyclisme féminin se développe. C’est vraiment une nécessité dans ce vieux sport. Je peux remercier tous les gens qui m’ont attendu en haut des cols. A ceux qui m’ont supporté quand je me plaignais que c’était dur.
Et merci mais non merci ?
La non élégance des cyclos en France. (Même si tu es mauvais en sport, soit au moins élégant)
Les pouvoirs publics qui ne mettent rien en place pour le développement du vélo comme moyen de transport. Et les automobilistes qui ont des gros soucis à partager LEURS routes.
Des cyclistes à nous balancer qui t’inspirent ?
Alberto Contador parce qu’il est hyper élégant.
Je suis un gros fan de l’époque dorée du cyclisme. Doré au niveau des cheveux peroxydés, mais aussi pour moi le cyclisme au panache. L’époque où tu voyais la Festina mettre le peloton en fil indienne. L’époque ou Franck Vandenbroucke attaquait à coup de grand plateau dans Liège-Bastogne-Liège en 1999.
Ils étaient dopés, pas plus qu’aujourd’hui, mais ça avait de la gueule. Les mecs se mettaient la peau. C’était beau à voir. Aujourd’hui avec les oreillettes, on a un peu tué les courses.
Un dernier mot ou un conseil que t’aimerais partager avec nous ?
Prenez du plaisir sur vos vélos.

Et question bonus : tu te remets quand à l’argentique ?
Quand j’aurais une maison avec la possibilité d’installer un labo à l’intérieur 😉
Merci Norbert !
La Cyclo carte d’identité
Compte Strava : Norbert Goff
Compte Instagram : @norbert_goff
Vélo(s) : Giant Defy Advanced pro 0 / Cargo Omnium Mini max
Ton ravito préféré : Sans aucun doute, les Clif Bar
Crédits photos : Toutes les photos appartiennent à Norbert.